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Résultats de l’étude prospective 2012 sur les contaminants émergents dans les eaux de surface continentales de la Métropole et des DOM
L’étude prospective sur les contaminants émergents dans les eaux de surface continentales de la métropole et des DOM (Martinique, Guadeloupe, La Réunion, Mayotte et Guyane), réalisée en 2012, s’intègre dans les travaux du plan d’action national pour lutter contre la pollution des milieux aquatiques (Plan Micropolluants) qui prévoit, dans son action 16, la mise à jour des listes de substances qui doivent faire l’objet d’une surveillance. Par ailleurs, le plan national sur les résidus de médicaments publié en mai 2011, prévoit une étude prospective permettant de rechercher spécifiquement des résidus de médicaments dans les eaux. De plus, dans le cadre de cette action, le Plan Micropolluants souligne la nécessité de surveiller des substances non réglementées à ce jour au niveau communautaire afin d’anticiper et définir les substances spécifiques nationales pour lesquelles des actions doivent être engagées.
Les spécifications techniques de l’étude ont été produites par l’INERIS et AQUAREF en 2011 sur la base des besoins exprimés par le Ministère de l’Ecologie et de l’ONEMA. La coordination technique de l’étude a été confiée à l’INERIS par le Ministère de l’Ecologie. L’INERIS a par ailleurs pris en charge la mise en oeuvre de l’étude pour le volet eaux de surface continentales de Métropole et des DOM, en partenariat avec des laboratoires experts pour l’analyse des molécules étudiées. L’ensemble de ces actions ont été réalisées avec le concours financier de l’ONEMA, et sous la conduite d’un comité de pilotage présidé par la DEB, impliquant l’INERIS, le BRGM, l’IFREMER, les Agences de l’Eau, l’ONEMA et les Offices de l’Eau. L’objectif premier de ces campagnes a été d’acquérir des informations statistiques sur la présence de molécules dites « émergentes » dans les milieux aquatiques. Trois informations principales ont été dégagées de l’analyse des résultats substance par substance : présence ou non dans les différentes matrices (à des concentrations supérieures à la limite de quantification), niveaux de concentration et statistiques de dépassement des valeurs de concentration prédite sans effets sur les écosystèmes et sur l’homme via le milieu aquatique (PNEC – Predicted No-Effect Concentrations).
La liste des substances de l’étude prospective eaux de surface (ESU) a été élaborée au sein d’un comité national (Comité Experts Priorisation – CEP) en collaboration avec le réseau européen NORMAN, à partir d’un ensemble de départ de 2400 molécules (dont 1600 non surveillées à ce jour) qui ont ensuite été priorisées par l’attribution d’un score, établi sur la base de critères spécifiques (usage et propriétés de danger des substances en particulier).
Au final, 182 substances ont été sélectionnées (dont 82 substances en métropole/100 dans les DOM pour une recherche dans la matrice eau, 134 dans la matrice sédiment dont 48 dans les deux matrices). Trois campagnes de prélèvement ont été organisées sur la matrice eau et une sur la matrice sédiment, en périodes hydrologiques différentes sur un total de 158 points répartis sur l’ensemble du territoire métropolitain et DOM. Les pressions agricoles, urbaines et industrielles ont été considérées. Des stations de référence (sans pressions anthropiques) et des stations classées en « mauvais état écologique » ont également été incluses. Au total, environ 400 résultats par substance ont ainsi été collectés sur la matrice eau (et 150 sur la matrice sédiment).
Globalement, sur les 82 substances recherchées dans la matrice eau, 60 ont été quantifiées au moins une fois dans les cours d’eau (c’est-à-dire, au moins un résultat supérieur à la limite de quantification) pendant les trois campagnes de prélèvement et 23 l’ont été au moins une fois dans les plans d’eau (une seule campagne) en métropole. Pour la matrice sédiment, 85 substances sur les 134 recherchées ont été quantifiées dans les cours d’eau et 59 substances dans les plans d’eau de la métropole. Au moins une substance pour chacune des catégories d’usage investiguées (HAP & produits de dégradation, alkyl perfluorés, plastifiants, médicaments, pesticides, additifs d’essences, antioxydants, produits industriels, produits de soins corporels) a été quantifiée.
Dans la matrice eau, 21 substances sur 60 présentent au moins un dépassement de la PNEC. Trois composés utilisés comme substances actives phytosanitaires et / ou comme biocides, l’acétochlore (herbicide récemment retiré du marché), la deltaméthrine (insecticide) et le triclosan (biocide présent dans des produits de large consommation comme les savons, les dentifrices, etc.) sont parmi les substances pour lesquelles on observe la plus forte fréquence de dépassement de la PNEC. Pour la matrice sédiment, 50 substances sur les 85 quantifiées, ont été retrouvées au moins une fois à des concentrations supérieures à la PNEC. Parmi les substances avec la plus forte fréquence de dépassement de la PNEC on retrouve 5 HAP, suivis par un surfactant (4-nonylphenol di-ethoxylate) et un pesticide (terbutryne, un herbicide interdit d’usage et qui fait partie de la nouvelle liste de Substances Prioritaires de la DCE – Directive 2013/39/UE).
Pour ce qui concerne la présence des substances recherchées, associée à des typologies de pressions spécifiques, pour la matrice eau, les phtalates et les parabènes ont été retrouvés dans plus de 95% des stations, y compris des stations de référence, sans distinction par rapport aux pressions. Il s’agit de substances utilisées dans des produits de large consommation et elles peuvent être considérées comme « omniprésentes » dans le milieu aquatique, sous réserve de confirmation de l’absence de faux positifs liés à des contaminations parasites lors de l’échantillonnage. Pour les résidus de médicaments, il semblerait ne pas y avoir de différence en termes de typologie de pression : des fréquences de quantification homogènes ont été constatées pour les trois types pressions : industrielles, agricoles et urbaines. Un profil spécifique est retrouvé uniquement dans le cas des pesticides, avec une fréquence de quantification plus faible dans les stations industrielles. Pour la majorité des contaminants recherchés dans les sédiments, aucun lien n’a pu être établi avec les pressions. Seuls les HAP sont majoritairement plus présents dans les stations urbaines par rapport aux stations de type agricole ou industriel.
Cette étude a permis d’acquérir environ 50 000 données sur les eaux de surface continentales. On attire cependant l’attention sur le fait que cette étude, qui porte sur une liste restreinte de molécules et de sites, ne se veut pas le reflet exhaustif de la contamination des milieux aquatiques en France par les micropolluants. L’étude n’avait pas vocation à identifier des éventuels impacts écotoxiques ou toxiques à l’échelle des points de mesure individuels. Par ailleurs, certaines valeurs de PNEC produites spécifiquement pour les besoins de cette étude ne présentent pas toutes des caractéristiques de robustesse requises pour mener des exercices d’évaluation de risque.